Treizième leçon : L’incendie Les pêcheurs à la ligne

Je continue, cher apprenti, mes exemples de séances expérimentales, en t’indiquant toujours des scènes dramatiques, suivies de scènes comiques. Quand le spectateur a les nerfs tendus par une terrible suggestion, il a besoin de se détendre par un bon rire que tu sauras lui prodiguer en temps voulu.

Avec « l’incendie » tu peux obtenir le summum de frayeur ; tu peux provoquer cette « peur » qui a presque un plaisir depuis que l’auteur dramatique De Lorde a institué le théâtre d’horreur qui fait courir tout Paris au grand Guignol.

Il te faut tes quatre sujets ; quelques-uns de plus, si tu as eu la chance d’en trouver dans le public.

Quand tes sujets sont bien endormis, tu leur ouvres les yeux, et tu leur dis : « Entendez-vous ce bruit singulier ? Ce ronflement de machine ? Ecoutez, écoutez bien ! »

Et en partant, n’oublie pas de les fixer bien profondément dans les yeux, en passant de l’un à l’autre.

Aussitôt les sujets, obéissant à ta suggestion, prêtent l’oreille. Ils ont des attitudes diverses, attitudes un peu mécaniques qui étonnent les spectateurs. L’un s’avance vers le milieu de la salle, et mettant une jambe en avant, fait de sa main droite portée à l’oreille, un cornet acoustique ; l’autre semble figé dans une stupéfaction intense, tandis que certains tendent l’oreille, avec une attention extrême ; les yeux toujours fixes, ressemblant à des statues auxquelles seul le génie d’un Phydias peut donner la vie qui leur manque.

Tout à l’heure tu joueras le rôle du célèbre sculpteur de l’antiquité.

Tu continues ta suggestion et ta voix doit prendre les inflexions nécessaires, les intonations adéquates à la situation :

– Mais, ce bruit… c’est le feu ! c’est l’incendie !

Instinctivement, tous les spectateurs se retournent, et jettent un regard sur la sortie. Cette « petite peur » qui prend le long de la nuque, et agite toutes les vertèbres, s’empare, malgré lui, de ton public.

Tes sujets, eux, sont sous l’empire de ta suggestion ; leur peur est plus intense encore, car ils communiquent pour ainsi dire télépathiquement avec toi, et sentent que tu vas leur crier la parole définitive qui va les forcer à agir.

Cette parole, tu ne tarderas pas à la lancer :

– Mais, voyez cette fumée dans la salle. C’est ici que l’incendie se déclare ! Sauve qui peut, mes amis ! Au feu ! Au feu !

Et tes sujets, pris d’une sorte de folie, renversant tout sur leur passage, les traits contractés par l’épouvante, s’enfuient en hurlant : Au feu ! Au feu !

Il te faut courir à leur recherche, leur barrer le passage, et rapidement, ou les réveiller, ou leur donner une autre suggestion.

Je ne conseille pas le réveil brusque, qui peut provoquer des accidents, par la chute du sujet sur le plancher.

Tous ceux qui ont assisté jadis à mes expériences et à celles de mon ami Pickman qui ne manque jamais la scène de l’incendie savent à quel point elles sont dramatiques et en ont conservé le souvenir horrifiant.

Il faut maintenant enlever à tes spectateurs l’angoisse qui les étreint ; il faut amener le sourire sur leurs lèvres.

La scène des pêcheurs à la ligne t’en fournira l’occasion.

Tâche de te procurer des gaules en bambou. A leur défaut, des cannes empruntés parmi les spectateurs.

Place tes sujets en rang, en laissant entre eux une distance de dix centimètres, puis, avant de leur remettre à chacun une canne, prouve-leur qu’ils ont devant eux un coin de Marne poissonneux :

– Vous êtes des pêcheurs émérites, et vous avez promis à vos parents, à vos amis, de leur rapporter ce soir une succulente friture. Il s’agit de déployer tous vos talents. Vous êtes venus appâter hier, et ce coin de Marne n’est connu que de vous. Préparez vos lignes et bonne chance.

Il est facile de voir (figure 1) que tes sujets ont compris ta suggestion.

L’incendie Les pêcheurs à la ligne

Figure 1

Regarde leur mine ; comme ils sont attentifs à préparer congrûment leur ligne ! Au bout d’un fil imaginaire, ils clouent un ver de vase hypothétique, surveillent le poids de la ligne, ajoutent ou retirent des plombs. Leurs jeux de physionomie sont amusants à examiner, et les rires des assistants ne troubleront pas l’impassibilité de nos pêcheurs à la ligne.

Ils ne sont pas avec nous, ils nous ignorent totalement. Au bord de leur rivière favorite, ils vont se livrer à leur douce passion : ils vont guetter le brochet rapace, et ne dédaigneront pas le modeste goujon. Ils sont véritablement heureux.

Mais, cher apprenti, il faut presser tes pêcheurs. Le jour se lève, et le poisson va chercher sa nourriture ; c’est le moment, avant la grande chaleur, de faire un riche butin :

-Allons, mes amis, maintenant que tout est prêt, lancez la ligne, et laissez-là suivre le fil de l’eau.

D’un geste presque simultané, nos pêcheurs ont lancé leur ligne (figure 2). Regarde leur physionomie. Un mot de toi va leur faire découvrir une superbe pièce. Tu verras l’un d’eux sous ta suggestion faire d’insensés effort pour sortir le poisson de l’eau à l’aide d’une épuisette qui n’a jamais existé, tandis que l’autre fera une atroce grimace de dépit en pêchant une vieille casserole.

L’incendie Les pêcheurs à la ligne

Figure 2

C’est toi, cher élève, qui, par tes suggestions variées, distribueras sur leurs lèvres la joie et le désespoir ; tu es le grand dispensateur des sensations. Et à ce moment ton pouvoir sera vraiment sublime, tu sentiras en ton âme passer le souffle de la volontã créatrice, et tu béniras le magnétisme qui te permet d’accomplir ces miracles.
 

 

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