Huitième leçon : Le sommeil par suggestion

Il est des sujets absolument réfractaires au sommeil par le regard, ou, si vous le préférez, au fluide pénétrant du regard.

Ce sont ceux dont le nerf oculaire est fatigué, soit par la myopie, soit par le presbytisme. Ils vous regardent pendant quelques minutes, puis un brouillard, d’abord léger, ensuite très épais, se forme devant leurs yeux. Et même lorsqu’ils cessent de soutenir le regard, ce brouillard continue et le fluide ne peut plus avoir d’action.

Seul le sommeil par suggestion peut avoir raison d’eux, seules les passes lentes, la voix chantante du magnétiseur peuvent les plonger dans le sommeil.

Ces passes, vous en trouverez une description cataloguée dans les ouvrages actuels, traitant du magnétisme et de l’hypnotisme. On vous dira qu’il faut placer les mains de telle façon, qu’il faut vous tenir de telle autre, on vous classera méthodiquement les phases du sommeil, on fera de vos gestes des mouvements mathématiques dont sous peine d’excommunication majeure vous ne pourrez vous dispenser.

Et c’est ainsi qu’en faisant du magnétisme et de l’hypnotisme une science compliquée, on décourage la jeune génération qui voudrait savoir, et qui pourrait trouver dans la jeune science un réconfort, une aide morale et matérielle.

La vérité est tout autre.

Figure 1

Il importe de dire franchement qu’en magnétisme et en hypnotisme, il n’y a pas de règles, et qu’il suffit simplement de chercher et de trouver le geste qui plongera le sujet dans le sommeil artificiel.

Nous verrons du reste qu’en thérapeutique, il en est de même. C’est justement cette absence de méthode qui fait du magnétisme un mode curatif opposé, par ses procédés, à la médecine moderne qui prétend, elle aussi, agir mathématiquement.

Je n’entends donc pas, en traitant du sommeil par suggestion, vous donner un vocabulaire de paroles ou une liste de gestes précis.

Sachez seulement que pour le sommeil vos passes doivent descendre, et que pour réveiller elles doivent remonter. Vous devez produire pour endormir un sentiment de douceur, et un sentiment de violence pour réveiller. UN exemple vulgaire vous fera comprendre le « magnétisme » de ces passes : vous caressez un chat en descendant vos mains de sa tête à son échine, et il manifeste son contentement par des « ronron » prolongés, il ferme les yeux comme s’il sentait un fluide de sommeil le pénétrer. Vous le caressez à rebrousse-poil, c’està-dire en montant de son échine à sa tête, et aussitôt, il se relève violemment, son poil se hérisse, ses yeux s’injectent de sang et il prépare ses griffes pour la bataille.

La créature animale, qui est le reflet de la créature humaine, ressent plus que toute autre les effets du fluide magnétique par l’électricité qu’elle répand elle-même.

N’hésitez pas à choisir pour le sommeil par suggestion un sujet qui ne vous attend pas, mais qui sait cependant que vous voulez l’endormir. Vous pouvez le prendre même au moment où il lit sont journal (fig 1). Vous vous approchez de lui, et vous passez votre main sur son front en disant : « Il faut dormir, je veux que vous dormiez. Dans quelques minutes vous allez sentir que mes passes vont vous engourdir, vous ne résistez pas . Vous dormirez ; vous dormirez d’un sommeil doux, reposant, vous dormirez comme si vous étiez dans votre lit ».

Encore une fois, vous pouvez prononcer d’autres paroles ; l’essentiel est que votre voix soit lente, caressante, que l’idée du sommeil soit donnée au sujet.

Pendant que vous parlez, vous enlevez la main droite que vous aviez posée sur son front, et, d’un seul coup, vous posez vos deux mains sur sa tête (fig 2) et descendez ces mains, de la tête au cou, du cou aux épaules et aux jambes, en le frôlant tout doucement. Si vous le voulez, ces passes peuvent être faites le long du thorax, sur n’importe quelle partie du corps. Vous devez expérimenter et vous rendre compte de la partie du corps de votre sujet la plus influençable.

Pendant les passes, vous parlez, toujours de la même voix monotone, en continuant vos suggestions :
ê Le sommeil vous gagne. Vous sentez vos yeux s’appesantir, un engourdissement vous prend, vous allez dormir, vous commencez à dormir. Fermez les yeux. »

Figure 2

Involontairement, dans un demi-sommeil, le sujet vous obéit et ferme les yeux.

Vous continuez, vous parlez toujours ; qu’importent les paroles, mais que votre voix se fasse de plus en plus douce, de plus en plus caressante :

ê C’est fait maintenant, vous entrez dans le sommeil ; vous vous sentez bien, vous êtes complètement heureux, vous sentez en vous un calme absolu. Vous dormez, vous dormez, vous dormez ! »

A ce moment, vous posez vos deux mains sur la tête et, en les rabaissant, vos deux pouces se placent sur ses paupières et y font une légère pression comme si vous vouliez les coller, tandis que les autres doigts touchent les tempes (fig 3). Et le sujet est absolument endormi.

Figure 3

Je répète encore que l’apprenti magnétiseur peut essayer d’autres gestes, ceux-ci n’ont rien d’absolu. Je m’en suis servi avec succès, mais j’ai obtenu également des résultats, sans clore les paupières, et avec la simple imposition finale des doigts sur le front ou sur les tempes du sujet.

Bien que dans ces expériences le regard n’ait pas servi, je recommande cependant à ceux qui étudient les phénomènes magnétiques et hypnotiques, de fixer toujours les yeux du sujet. Il se produit, à défaut d’influence fluidique, une influence télépathique très curieuse. J’ai endormi des sujets sans les regarder et j’ai remarqué qu’ils étaient beaucoup plus réfractaires aux suggestions que ceux que j’avais fixés.

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