Douxième leçon : Une séance expérimentale

J’espère, cher élève, que, grâce à mes premières leçons que j’ai essayé de rendre claires et précises, tu es à même de donner en public une séance
d’hypnotisme et de magnétisme.

Tu as certainement un noyau de sujets intéressants, dont tu connais la caractéristique, les uns tristes, les autres joyeux, les uns nerveux, les autres mous, d’aucun vifs, d’autres apathiques. Il s’agit aujourd’hui de savoir t’en servir de façon à composer un programme attrayant.

Car, tu t’en doutes bien, tu ne pourras jamais expérimenter le pouvoir de ta volonté si tu te bornes aux expériences de cabinet. Il te faut au moins vingt paires d’yeux qui l’examinent, qui s’humaniseront si tu les intéresses, qui seront froids, méprisants, moqueurs, si tu te trompes, si tu ne sais pas maîtriser tes nerfs, si tes sujets sont réfractaires à tes ordres.

Pour ta séance, en dehors des sujets que tu pourras prendre dans la salle, il t’en faut quatre au moins, qui soient bien à toi, que tu tiennes dans la main, dont les tempéraments soient différents. Ces sujets, selon le cas, donneront la note dramatique ou comique, de façon à provoquer alternativement, parmi tes spectateurs, le rire et les larmes.

Choisis tes spectateurs pour ta première séance. Et prends plutôt des étrangers que des amis. Tu souris : car ta première idée était de t’entourer de familiers, que tu supposes plus indulgents.

Quelle erreur est la tienne, cher élève, et comme tu connais peu la vie.

Ce sont tes amis, ce sont tes parents qui seront les plus féroces. Ceux-ci, quinze jours avant ta séance, supputent déjà, avec une joie non déguisée, le four auquel ils assisteront. « Qu’est-ce que tu dis du petit « machin » qui veut être magnétiseur ! Ce qu’on va rire à sa séance. As-tu apporté des sifflets à roulettes ? Ce qu’on va se « payer sa tête », etc, etc. Telles sont les aménites et bien d’autres encore, que tes chers amis emploient à ton égard.

Ne convoque ceux-là que lorsque tu seras absolument sûr de toi, que tu pourras « les clouer », les étonner de telle sorte que les méchants propos rentrent d’eux-mêmes dans leur bouche.

Convoque quelques intimes, dont l’amitié est éprouvée, et de nombreuses personnes te connaissent à peine. Ce n’est pas que ces dernières soient plus indulgentes, mais, déjà influencées par ton titre de « magnétiseur », elles feront moins d’obstruction mentale, et l’applaudirent franchement si tes expériences sont réussies.

Pour commencer ta séance, invite quelques spectateurs à se prêter à l’attraction en arrière et en avant, et si, parmi eux, tu découvres un « sujet », retiens-le pour t’en servir dans le courant de la soirée. Les sujets qui t’appartiennent sont naturellement placés dans la salle, et n’étant pas connus, passeront eux-mêmes pour des spectateurs.

Tu peux te servir d’un « apathique » pour une première expérience.

Tu l’endors soit par le regard, soit par la suggestion, et lui ayant ordonnã d’ouvrir les yeux, tu essayes avec lui les expériences d’état d’âme, qui produisent toujours une impression très vive sur le public.

Ainsi tu peux plonger ton sujet dans l’extase ; mais avant d’arriver à ce résultat, il faut que tu provoques différents états préliminaires. D’abord la surprise, ainsi que te le montre la figure 1.

« Tiens ! dis-tu, que se passe-t-il donc ? Voyez-vous au fond de la salle, cette vapeur blanche qui sort du plancher ? Mais regardez donc, c’est très curieux ».

Le sujet regarde, et sous l’empire de ta suggestion aperçoit cette vapeur fantastique, s’en étonne, et ses traits expriment immédiatement la surprise la plus intense.

Tu continues : « Mais quelle est donc l’apparition qui se dégage de ces nuages blancs ? Quel est ce fantôme ? »

Les traits du sujet à ce nom de fantôme expriment la terreur.

« N’ayez aucune crainte, regardez plutôt l’angélique figure qui nous apparaît. C’est Jeanne d’Arc, la sainte des saintes, celle qui a sauvé jadis la France par son courage et sa foi ; elle vous regarde, elle vous bénit, elle exprime par son attitude combien vous lui êtes sympathique, combien elle vous aime et voudrait sauver votre âme des griffes de l’Enfer. Regardez-là, mon ami, confessez vos fautes et réjouissez­vous d’avoir comme défenseur près de Dieu la sainte, la pure Jeanne d’Arc.»

séance expérimentale

Figure 1

Les traits du sujet suivent la musique de tes paroles. Les spectateurs sont acharnés et ravis par ces attitudes extatiques que le plus consommé des comédiens ne pourrait imiter. Et quand tu a réveillé le sujet, des bravos nourris te récompenseront toujours de cette scène si touchante.

Tu as « touché les cœurs », il s’agit maintenant de dérider les fronts les plus moroses.

Est-il une scène plus comique que celle où tes sujets vont se révéler des chanteurs émérites ?

Après en avoir endormi trois au moins, tu leur ouvres les yeux. Au premier tu dis : Tu es le grand ténor Caruso ; au second : Tu es Dranem, l’hilarant comique de l’Eldorado ; au troisième : Tu es Mayol, le chanteur à succès de la Scala.

Tous les trois, vous allez chanter un morceau de votre répertoire et vous commencerez quand j’aurai frappé trois coups dans mes mains (fig 2).

séance expérimentale

Figure 2

L’effet est irrésistible. Celui que tu as baptisé Caruso ne sait quelquefois qu’un air de gaudriole, il le chantera avec des mines de grand artiste ; le second, à qui tu as donné la personnalité de Dranem, chantera une romance pleurarde, avec des gestes et des attitudes de comique grime ; tandis que Mayol déclamera une romance patriotique en dansant et en roulant les hanches. Et ceci fera une cacophonie épouvantable dont aucun des sujets ne s’apercevra, ce qui redoublera l’hilarité des assistants.
 

 

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