Quinzième leçon : La suggestion de l’exemple

Une des expériences qui produit le plus d’effet sur le public est bien la chaîne magnétique. Cette expérience prouve, très clairement, que le sujet ne subit pas simplement l’influence du magnétiseur, mais encore celle d’un autre sujet : « Tu dors, je dois dormir ! » On se rappelle qu’au commencement de cet ouvrage, j’ai indiqué cette influence bien connue des expérimentateurs qui opèrent en public. Si le magnétiseur a trois ou quatre sujets qui s’endorment facilement, il en trouvera ensuite une dizaine qui s’endormiront parce que les premiers s’endormirent. La chaîne magnétique, que j’expliquerai tout à l’heure, est une expérience qui découle de cette suggestion : l’exemple.

L’exemple est une suggestion terrible.

Lorsqu’un crime reçoit une grande publicité, lorsque les faits et gestes de l’assassin sont commentés dans les plus petits détails, lorsque l’assassinat lui-même est minutieusement raconté, il est toujours suivi d’un second et parfois qu’un troisième crime, commis par des âmes abjectes qui ont obéi à la suggestion de l’assassinat. Lombroso n’admet pas qu’un être sain de corps et d’esprit soit un criminel. Il voit dans toutes les tares, qu’il s’agisse de passions honteuses, de vol ou d’assassinat, l’empreinte d’une folie spéciale.

Les travaux du grand savant italien ont été très discutés, mais surtout parce qu’il prétendait que l’homme porte dès sa naissance, sur son corps, sur sa face, sur sa main, la griffe particulière qui le désigne au Génie, à la Bonté ou au Crime. Lombroso s’est trompé souvent dans ses déductions, et nous nous souvenons que dernièrement, il a trouvé dans la main d’un académicien célèbre, qui lui fut présentée comme la main de Soleilland, une signature indéniable de crime et de sensualité. Alphonse Allais, s’il vivait encore, dirait qu’il ne s’est peut-être pas trompé ; cependant il y a lieu de penser que notre immortel ne finira pas ses jours sur l’échafaud et que Lombroso a fait erreur.

Je veux bien admettre que l’homme, par le fait d’une Providence mystérieuse, ait son destin marqué en lui dès l’heure de la naissance, l’Astrologie est là pour nous donner à ce sujet des horoscopes déconcertants mais ce dont je suis certain, c’est que l’homme peut toujours, par sa volonté, par son libre arbitre, combattre les mauvaises influences de sa destinée, et il arrivera s’il est faible à un résultat extraordinaire, sous la suggestion du BON EXEMPLE. Voulez-vous une preuve de ce que j’avance ?

Il y a une dizaine d’années, je reçus la visite d’un grand jeune homme, aux yeux vifs, à la figure intelligente, à la démarche presque élégante, sous des habits en haillons.

Il me tint ce petit discours :

-Monsieur, je viens à vous, dans le vague espoir que vous pouvez encore me sauver. Comme vous pouvez le voir, je suis une horrible épave de l’humanité ; je suis, petit à petit, tombé dans l’abjection la plus épouvantable ; j’ai obéi à toutes les mauvaises suggestions, et c’est miracle que je sois encore en liberté. Demain, j’aurai peut-être commis le crime décisif qui m’enverra à Claivaux ou à l’île de Ré. Pouvez-vous quelque chose pour moi ?

-Savez-vous lire, écrire et compter ?

-Oui, puisqu’il ne tenait qu’à moi de passer mon baccalauréat.

-Bon ! Venez !

Je le conduisai à ma garde-robe.

Mes vêtements, bien qu’un peu larges, lui allaient assez bien. Avant de lui faire revêtir un costume complet, je lui indiquai le cabinet de toilette et la douche, en le priant d’en faire un généreux usage.

L’homme me regardait, essayant d’interroger. Je ne répondais rien.

-Tout à l’heure, quand vous serez habillé, lui dis-je, vous viendrez me parler.

Et je me retirai, en oubliant comme par mégarde mon porte-monnaie sur un meuble.

Il revint, après une demi-heure d’ablutions, et me remettant mon porte­monnaie, il me dit :

-Prenez-le vite ; trois fois j’ai eu la tentation de le voler, mais je ne veux pas vous remercier de cette façon : CE SERAIT TROP IGNOBLE !

Je le regardai dans les yeux.

Ce n’était plus le même homme ; l’eau l’avait régénéré, le costume propre lui donnait presque l’air d’un gentleman. Sa figure restait soucieuse, crispée, avec de mauvais plis au coin des lèvres, mais ce n’était déjà plus le brigand de tout à l’heure.

-Que comptez-vous faire de moi ? me dit-il.

-Vous allez rester ici. Mon secrétaire est malade, vous le remplacerez pendant quelque temps.

-Ne craignez-vous pas de me voir commettre les pires infamies ? Je vous volerai, je boirai vos liqueurs, je débaucherai vos domestiques !

Je le regardai dans les yeux, bien franchement, et mon regard sembla l’atteindre au cœur.

-Vous ne ferez rien de tout cela. Vous N’ETES PLUS LE MEME HOMME !

-C’est vrai, déclara-t-il, je me sens tout autre.

Et cet inconnu, auquel je ne demandai ni papiers, ni confidences, qui avait commis de lourdes fautes, qui était descendu au dernier degré de l’échelle sociale, me servit pendant deux ans, comme un frère, avec un dévouement sans pareil. Il est aujourd’hui chef d’une facturerie aux Indes anglaises ; il s’est marié avec une charmante insulaire, et me doit certainement un bonheur qu’il a acquis « grâce à la suggestion de l’exemple ».

Le Bonheur, certainement, dépend de la suggestion à laquelle on obéit.

Heureux celui qui, entraîné par une suggestion infâme, peut, par la force de sa volonté, se libérer à temps et reprendre la droite ligne.

Voilà bien des digressions pour arriver à la Chaîne magnétique. Voici la manière d’exécuter cette expérience :

Tu places tes sujets sur des chaises, et tu noues la main droite du premier à la main gauche du second. Les autres sujets doivent tenir leurs mains à plat sur les genoux. Puis, plaçant tes deux mains à plat sur le front du premier sujet qui doit être le plus sensitif, tu luis dis :

-Dans deux minutes, alors que je fermerai tes yeux, tu t’endormiras, et aussitôt endormi, tu presseras la main de ton voisin qui s’endormira à son tour en prenant la main de son camarade, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la chaîne. Vous devez vous endormir les uns après les autres, et vous vous réveillerez à mon commandement.

A la grand stupéfaction du public, le phénomène s’accomplit aussitôt, et tes sujets, vaincus par l’exemple, s’endorment les uns après les autres, d’un sommeil profond qui ressemble au sommeil naturel.

Si tu opères devant un grand public qui vient d’être frappé par une expérience dramatique, tu peux ordonner à tes sujets de ronfler, ce qui produit un effet de rire irrésistible.

La chaîne magnétique première  - La suggestion de l’exemple

La chaîne magnétique première phase

La chaîne magnétique  - La suggestion de l’exemple

La chaîne magnétique seconde phase

 

 

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